Présentation des conversations à Marseille

Lorsque nous avons évoqué la création de Mémoires Invisibles avec l’équipe du ZEF, l’envie a été très grande d’aller à la rencontre de personnes issues de l’immigration vietnamienne, en parallèle du spectacle.
D’une part, j’étais curieux de savoir quels points communs pouvaient exister entre nos histoires respectives, comme un prolongement naturel au projet et à mes questionnements.
D’autre part, je m’interrogeais beaucoup sur cette “discrétion naturelle” qu’on attribue aux Asiatiques, et j’avais besoin d’aller chercher ces invisibles que tout un chacun fréquente dans son entourage mais dont l’absence est souvent flagrante dans l’espace public et culturel.

Avec l’appui de l’équipe du ZEF, nous nous sommes donc mis en quête de Français Vietnamiens de première ou deuxième génération. La création ayant lieu à Marseille, il fallait puiser dans ce vivier, d’autant que cette ville fut en son temps, on l’oublie parfois, un grand port d’accueil pour toutes les populations fuyant leur pays, victimes collatérales d’un empire colonial en déliquescence.

J’ai donc rencontré onze personnes issues de cette migration. D’âge et de milieux différents, ils portent tous en eux les stigmates d’une histoire fracturée, avec laquelle ils se sont construits et sur laquelle ils ont jeté les bases de leur identité métissée. Onze personne françaises, parlant de leur double culture, de leur famille, des clichés, de leur rapport au Vietnam, de l’exil, des non-dits qui l’accompagnent. Onze personnes qui parlent avec intensité, étonnement, joie et tristesse, humour souvent, mais toujours avec lucidité, sans jamais s’apitoyer.

Peu à peu, à l’écoute de ces récits, et en travaillant sur le spectacle, l’idée a germé de fixer ces rencontres par le prisme d’une photo, témoin incontournable des grands récits de ce siècle et des transmissions familiales. C’est pourquoi j’ai demandé à Mathieu Do Duc, photographe, de poser son regard sur ces conversations. Démarche d’autant plus intéressante que lui-même faisait partie des personnes interrogées.

Le fruit de ce travail est un parcours déambulatoire fait de photographies et d’extraits sonores, un peu comme des archives anciennes qu’on ressortirait d’une caisse oubliée.
Libre à chacun de regarder, d’imaginer, d’écouter, de lire et de prendre ce qu’il souhaite dans ces quelques portraits.

Parce que la décolonisation et ses conséquences politiques et économiques ont été douloureuses et souvent passées sous silence, il me semblait important de donner la part belle à toutes ces voix, et qu’elles soient entendues comme une chose commune, fragment essentiel et manquant de notre mémoire collective.
Afin que par les mots, le spectateur ait accès à des récits qui sont un peu les siens ; et que les ponts dressés entre ces deux rives permettent sinon de comprendre, du moins d’apaiser une histoire troublée.

Entretiens : Paul Nguyen
Portraits : Mathieu Do Duc

Montage et mixage : Pierre Tanguy
Site Internet : Damien Richard

Remerciements

Merci à tous les participants : Marie-France, Gaspard, Julie, Hassaf, Robert, Suzy, Clément, Milan, Dinh Jean, Mathieu et Amélie.
Merci à Mathieu pour son œil affûté et bienveillant.
Merci à Louisa Remli, Bérangère Chaland et Bertrand Davenel du ZEF, sans lesquels ces rencontres n’auraient pas été possibles.

Un site internet a été crée autour de Conversations entre deux rives et réunit toutes les photos de ces rencontres, ainsi qu’un plus large panel d’extraits audio.